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Ambertois de naissance et de cœur, Régis Michalias s’est tardivement mais sûrement lancé dans la production littéraire et les études dialectales, pour apporter sa pierre à l’œuvre félibréenne.
> Michalias, Régis (forme d’état-civil)
Régis Michalias est né et mort à Ambert, et semble n’avoir quitté sa ville qu’occasionnellement et par nécessité.
Il fait d’abord des études au lycée de Clermont-Ferrand. Il part ensuite pour Paris, d’où il revient diplômé de première classe à l’École supérieure de pharmacie. Adolphe Van Bever (Poètes du terroir, 1924) nous apprend qu’il est capitaine de mobilisés à la guerre de 1870. Il revient définitivement dans sa ville natale pour y pratiquer le métier de pharmacien de 1873 à 1895.
Il consacre sa retraite à la culture des fleurs et à l’étude des parlers auvergnats, s’impliquant dans le mouvement de renaissance littéraire occitane à travers le Félibrige.
Michel Camelat (Reclams, n°3, 1936) décrit Michalias « bâti comme un châtaigner, l’œil clair et l’épaule carrée. »
Régis Michalias a eu de son mariage une fille unique, Jeanne, qui semble s’être intéressée aux activités félibréennes de son père, l’accompagnant et fréquentant à l’occasion ses amis félibres.
Jean Ajalbert, contemporain de Michalias (et Auvergnat revendiqué), lui consacre un chapitre complet dans son ouvrage Au Cœur de l'Auvergne, et éclaire ainsi le portrait du poète en révélant au fil de son récit certains détails sur sa vie et son œuvre qu'on peine à trouver par ailleurs, comme par exemple son intérêt pour les pierres et la géologie ou son implication dans l'ouverture de bains-douches initialement destinés aux populations les plus précaires.
Les activités félibréennes de Régis Michalias ne se manifestent véritablement qu’au moment de sa retraite.
C’est un grand lecteur et admirateur de Frédéric Mistral et d'Arsène Vermenouze, et c’est d’ailleurs Mistral qui le pousse en 1902 à entrer en rapport avec le majoral aurillacois, ouvrant la voie à une amitié de plusieurs années, jusqu’au décès de Vermenouze en 1910.
Le poète d’Ambert (basse-Auvergne), et celui d’Ytrac (haute-Auvergne) partagent une admiration commune pour le héros de Gergovie, Vercingétorix, fréquemment évoqué dans les poèmes de l’un comme de l’autre. C’est à Font-Ségugne, en mai 1904, qu’ils se voient pour la première fois, à l’occasion du cinquantenaire du Félibrige.
Selon Jean-François Chanet (Les félibres cantaliens, 2000), Michalias aurait été « officiellement invité par Jules Ronjat, le baile du Consistoire, [...] », qui l’aide pour ses ouvrages de linguistique. Mais Michalias est un félibre isolé dans son pays, et il exprime son inquiétude à Vermenouze : « Seul, isolé, inconnu, noyé et perdu dans une assemblée dont je ne comprendrais que difficilement le langage sonore, impuissant moi-même à me faire comprendre, qu'irais-je faire ? » (Ambert, 29 avril 1904).
Il s’y rend pourtant, accompagné de sa fille, et ne le regrette pas : il y fait de nombreuses rencontres et compose en outre un poème à ce sujet, publié dans son premier recueil Èrs de lous Suts (1904). Il y cite les noms des amis rencontrés : Adrien Planté, (un des dirigeants du félibrige béarnais avec Michel Camélat), les félibres toulousains Jean Rozès de Brousse, Armand Praviel, Pierre Bacquié-Fonade, le Haut-Alpin F. N. Nicollet et bien sûr Arsène Vermenouze, et Frédéric Mistral.
Ainsi Camelat évoque-t-il dans son article les excursions à Avignon, à Arles, aux Saintes-Maries, et les retrouvailles à la Santo-Estello de 1905, occasion pour l’enthousiaste Michalias de découvrir Nîmes, Montpellier (« lou Clapas »), Narbonne, Toulouse, puis Lourdes, Pau, Orthez et Arrens.
Au moment de « l’affaire Dévoluy », lorsqu'à la Santo-Estello de 1909 le capoulié Dévoluy est mis en minorité par une coalition de majoraux et acculé à la démission, Michalias, qualifié d’« òmi de pats » par Camelat, ne semble pas s’être engagé activement dans l’un ou l’autre camp mais, se disant ami de Ronjat et de Planté, il prend le parti de Dévoluy.
Au contact des félibres, il trouvera peut-être une sorte de raison d’être à ses aspirations littéraires et linguistiques, mais au fond, dans les premiers temps au moins, Michalias ne croit pas à la renaissance de la langue dans son pays. Ce pessimisme s’explique sans doute par un apparent désintérêt de la population locale pour la valorisation de la langue et de la culture occitanes. Desdevise du Dézert (Bulletin de la Société des Amis de l'Université, 1905) dit à ce sujet, pour renforcer le mérite de Michalias, que « l’Auvergne s’ignore, elle semble se dédaigner, elle regarde beaucoup trop vers Paris ; sa vie intellectuelle ne lui vient pas d’elle-même, et pour cette raison, n’est qu’une vie factice et d’emprunt ».
D’ailleurs le Félibrige est quasi inexistant dans l’environnement proche de Michalias. Chanet retranscrit des passages d’une lettre adressée à Vermenouze qui résument parfaitement l’état d’esprit du poète ambertois au début de leurs échanges : « Vous me dites que je devrais provoquer un réveil ou un éveil félibréen dans nos régions. Hélas ! le temps des résurrections est passé ; on n'éveille plus les morts...Notre dialecte est de plus en plus abandonné des classes éclairées. Les "bourgeois" notamment en considèrent l'usage comme une sorte de déchéance. Le comprenant à peine, quand ils s'essayent à le parler, ils y sont grotesques. [...] Aussi, je me borne à chanter pour moi seul, et quelques rares amis [...]. Mais il ne saurait être question de fonder chez nous une revue ou publication quelconque, car aux raisons données plus haut, il faut encore en joindre une autre de très grande importance : la variété des prononciations, qui changent d'une localité à une autre, très voisine souvent, [...] et partant l'affaiblissement d'intérêt, (chacun n'estimant bien que le parler de sa paroisse...), et aussi une difficulté de lecture du langage écrit. » (Ambert, 11 décembre 1902).
Malgré tout, Régis Michalias est mû d’une vraie volonté productrice et créatrice, et fait partie de ces félibres qui ont su s’attirer la bienveillance et la reconnaissance de la communauté félibréenne. Sans doute les diverses rencontres qu’il a faites par la suite lui ont-elles donné cette foi.
D’après Chanet, cependant, « le seul intérêt de sa démarche, et Mistral en effet pouvait l'estimer grand, était de fixer un patrimoine, d'ajouter à la connaissance philologique une matière qui, un jour peut-être, ferait l'objet d'études approfondies. »
Cette implication était à même de justifier une élection au majoralat. Il candidate en 1910, mais n’est pas élu. Les expressions de regret au sujet de ce manquement seront par la suite assez nombreuses au sein du Félibrige. Lui-même ne semble pas s’en formaliser outre mesure, mais peut-être revient-il un peu sur son idée du Félibrige. Christian de Villeneuve-Esclapon le cite dans sa revue Occitania (Paris, n°7, 1910) : « j’ai surtout le désir de servir de mon mieux les lettres occitanes en chantant mon très beau et pittoresque Livradois dans son non moins pittoresque dialecte. »
On lit dans l'article de Camelat qu'après son décès en 1916, Louis Delhostal, Bénézet Vidal « e autes frays en pouesie » posent une plaque de marbre sur sa maison.
Plus tard, en mars 1944, à l’occasion du centenaire de sa naissance, un court hommage paraît dans le journal Fe (n°48, 1944).
Son expérience finalement assez courte a donné lieu à une production elle aussi relativement réduite. On dénombre deux recueils de poèmes, l’adaptation d’une pièce de théâtre, une grammaire et un glossaire. Un recueil de contes, Tant fa per rire, est annoncé dans sa dernière publication, et lui-même parle dans une lettre datée de 1910 (adressée à Camelat qui la reproduit dans son article) d’un recueil d’« Ers » à paraître, Enco Noutre, mais l’un comme l’autre semblent être restés inédits, peut-être existent-il quelque part à l’état de manuscrits. Enfin on trouve sa signature dans quelques numéros de Vivo Prouvènço ! et ses poèmes sont parus entre autres dans les revues Reclams et l’Almanach chantant de l’Auvergne e Armana felibren.
Son premier recueil de poèmes, Èrs de lous Suts, paraît en 1904 ; il est constitué de trente-trois poèmes et de leur traduction en regard, avec une note sur la prononciation au début de l’ouvrage. Michalias y fait paraître en guise de préface une lettre enthousiaste de Mistral.
Il est suivi en 1907 des Éléments abrégés de grammaire auvergnate : dialecte des environs d'Ambert (Puy-de-Dôme). Dans sa préface, Michalias cite ses deux collaborateurs, Foulché Delbosc, auteur d'une Grammaire Catalane, et Jules Ronjat. De ces influences extérieures il hérite de l’usage de caractères particuliers, notamment un « å » qui se retrouvera dans ses publications suivantes.
Villeneuve-Esclapon fait un commentaire très positif sur la grammaire, dont il trouve le propos « clair et facile à retenir ». Pour autant Michalias n'est pas linguiste et ne prétend pas l'être, les spécialistes ne manqueront pas de le signaler tout en saluant l'initiative et reconnaissant tout de même un certain mérite à son travail.
Margoutou, o no batueito au vialage est une pièce de théâtre, qui paraît la même année.
La note aux lecteurs est un peu mystérieuse : d'une part Michalias ne signe à aucun moment en toutes lettres, bien que son ouvrage ait été annoncé dans ses précédentes publications. D'autre part il explique que la pièce de théâtre qu’il édite est l’œuvre d’un auteur mort depuis vingt ans, son anonymat devant être respecté.
Il s’agit en fait à l’origine d’une pièce de Jarsaillon, auteur du Livradois mort en 1893. La revue Parlem (n° 9, 1982) décrit la pièce, en trois actes et 589 vers, aux personnages traditionnels et carnavalesques, que Michalias a modifiée, changeant les paroles, et passant certaines répliques en français, « benliau per mostrar ce qu’èron las doàs lingas dins la societat de son temps e le siau vejaire ».
Le second recueil de poèmes, Èrs d’uen Païsan, paraît l’année suivante, en 1908.
Il comporte cinquante poèmes avec la traduction en regard, il est lui aussi précédé d’une note sur la prononciation, et s’achève sur une autre lettre de Mistral.
L’œuvre de Michalias ne semble pas avoir fait l’objet d’une quelconque étude approfondie. Toutefois elle est souvent évoquée, le nom de Michalias apparaissant, même brièvement, dans de nombreux ouvrages, et on peut citer les commentaires de quelques auteurs à son propos :
- Voici ce que Desdevise du Dézert dit en 1905 à propos d’Èrs de lous Suts : « Ce sont des paysages, dont les aspects changent avec chaque saison ; c’est la chanson des amoureux sous les grands bois ; ce sont les cancans du hameau, les bonnes histoires dont le Gaulois se gaudit, depuis qu’il pousse son rire clair au milieu des nations ; ce sont les souvenirs d’enfance, les longues randonnées par la montagne, les vieilles coutumes du pays ; c’est tout ce qui fait de la terre natale votre terre à vous et non une autre, votre sol nourricier, votre domaine et votre bien. »
- On trouve cette citation d’Alexandre Vialatte (originaire d'Ambert et ami d'Henri Pourrat) dans l’ouvrage de Chanet : « Rabotant la matière ingrate de notre idiome, des gens comme Michalias ont su pourtant faire des merveilles parce qu'ils avaient le génie du style familier et travaillaient dans l'esprit même de la langue, dans le sens du bois, si je puis dire. »
- Paule Bouvelot (L’Auvergne à travers la poésie auvergnate contemporaine. [1952]) commente vers 1952 l’œuvre de Michalias : « C’est aussi une vision réaliste qui transparaît aux pages de Régis Michalias ; mais ici le détail l’emporte sur l’ensemble. C’est une suite de jolis croquis qui n’ont d’autre but que de peindre et dont une fine observation fait tout le prix. Cependant cette poésie est à l’image du Livradois. Comme ce pays doux et sans secousses, elle est contenue, naturelle, animée de sens pratique et d’utilitarisme, très locale donc par cette ambiance morale qui baigne les choses et les êtres… »
- Robert Lafont et Christian Anatole (Nouvelle histoire de la littérature occitane, 1970) voient sa poésie « plus discrète et plus artiste que celle de Vermenouze, mais bien traditionnelle encore »
- Jean Roux (Huit siècles de littérature occitane en Auvergne et Velay, 2015) confirme ce point de vue, et, à la suite d'une courte présentation de l'auteur, donne le poème « La Chadeno » dans la graphie d’origine telle qu’on la trouve dans Èrs d’uen Païsan, en français et en graphie classique.
Le dernier de ses ouvrages est son « Glossaire », publié dans la Revue de Philologie française (1912)
Il présente une graphie très inspirée de celle de Ronjat, censée représenter la prononciation des mots.
Dans les dernières années de sa vie, Michalias collabore à l’œuvre d’Henri Pourrat.
Celui-ci, également ambertois, commence ses collectes de contes vers 1911. Michalias le seconde en transcrivant puis traduisant en français ceux des textes qui sont en occitan. L’édition de Bernadette Bricout (Contes et récits du Livradois, 1989) conserve la graphie employée alors par Michalias.
On y trouve de nombreuses références au « Glossaire » (en partie repris en fin de volume), ainsi que des notes d’explication de termes occitans ajoutées par Michalias.
Il existe en outre, fait plutôt remarquable, une édition allemande des poèmes de Michalias, Auvergnatische Lieder, traduits par le Dr Hans Weiske et précédés d’une étude sur l’auteur. Une note au bas du poème « D'Eijaire » dans le recueil Èrs d'uen païsan évoque également l'existence d'une traduction en suédois, introuvable à ce jour, par le Dr Göran Björkman (1860-1923, traducteur suédois qui s'est intéressé à la littérature française, italienne, espagnole, portugaise et allemande).
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