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Moutier, Louis (1831-1903)

Sommaire

Identité

Formes référentielles

Autres formes connues

Éléments biographiques

Engagement dans la renaissance d'oc

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Prêtre et félibre drômois, Louis Moutier se signale par son rôle essentiel dans la renaissance de la littérature d’oc en Drôme, ses talents de conteur et de poète et sa remarquable contribution à la connaissance de la langue.

Identité

Formes référentielles

Moutier, Louis (1831-1903)

Autres formes connues

- L’abbé L. Moutier (pseudonyme)

- M. l’abbé L (pseudonyme)

- Moutier, L’abè (pseudonyme)

- Moutier, Louiset (pseudonyme)

- Luiset (pseudonyme)

- Louviset de Lauriòu (pseudonyme)

- Luiset de Lòurióu (pseudonyme)

- Lou Droumadère (pseudonyme)

- Un de Lauriòu (pseudonyme)

- L. M (pseudonyme)

Éléments biographiques

Dernier-né de dix enfants, Louis Moutier voit le jour à Loriol le 15 février 1831 ; sa mère est catholique et son père, modeste artisan charron, protestant (ou « eiganaud » comme il écrira à Mistral). Probablement remarqué assez tôt et aidé par le curé de sa paroisse, il entreprend des études comme boursier au séminaire de Valence où il rafle quelques accessits en rhétorique, histoire et mathématiques. Il est bachelier ès-sciences en 1853 et ordonné prêtre le 19 juillet 1857.

Ses affectations successives (dans la Drôme du sud, provençale, jusqu’en 1870, puis dans le Royans, nord-occitan) lui ont permis de se familiariser avec la variété des parlers locaux lorsqu’il est nommé curé archiprêtre de Marsanne en 1877. C’est à cette date qu’il publie ses premiers travaux. Dès lors et jusqu’à sa mort le 31 octobre 1903, après une dernière nomination en 1886 comme curé d’Étoile où il sera fait chanoine, Louis Moutier se consacre sans répit à ses activités de recherche linguistique et de création littéraire. Il n’en néglige pas ses paroissiens pour autant, sa compassion devant leur situation difficile l’amenant même à renoncer à une augmentation. Si bien que dans le rapport confidentiel qu’il écrit à son sujet en 1886, le sous-préfet de Montélimar conclut que « cet homme dont la vie privée a toujours été irréprochable jouit de l’estime de tous. »

Engagement dans la renaissance d'oc

En janvier 1859, cinq ans à peine après la fondation du Félibrige, le jeune vicaire de Taulignan – Louis Moutier est tout juste âgé de 28 ans – contacte l’éditeur Joseph Roumanille à Avignon pour lui demander quand paraîtra la Mirèio de Mistral et, quelques mois plus tard, lui envoie sa poésie au titre prophétique « Les Deux Muses ou le réveil de la littérature provençale ». Il se présente alors comme un ami des félibres et, en dépit des tensions et désaccords, cette amitié ne se démentira pas et son admiration pour Mistral restera intacte.

Outre ses travaux de linguiste, Moutier se livre, par l’écriture, à une véritable « défense et illustration » de son parler drômois. Bien avant Charles Joisten et le collectage d’ethnotextes, il remet en circulation les vieux contes populaires (Mythologie dauphinoise). Et, pour toucher un public qui ne lit pas dans sa langue, il sacrifie au genre, obligé, de la prose d’almanach (Armagna doufinen).

Cependant, c’est la poésie qui s’avère son moyen d’expression privilégié. D’inspiration religieuse d’abord, avec son Brounché de nouvèus doufinens dans la tradition des noëls provençaux, ses textes, finement travaillés, disséminés ensuite dans diverses revues, vont se faire plus intimistes (« La Crous », « Toussant », 1880), puisant parfois dans le merveilleux ou le fantastique (« La Bouama/Les Sorcières », 1880) avant d’évoluer sur la fin vers une thématique plus classique (Lou Tiatre d’Aurenjo, Eirodiado ( Hérodiade ). Entre temps a vu le jour son long poème épique, Lou Rose (Le Rhône) (1896), dont il est si fier de pouvoir envoyer un exemplaire à son « char mestre » Mistral, quelques mois avant que paraisse Lou Pouèmo dóu Rose. Toute sa vie, Moutier a œuvré pour la promotion des « dialectes dauphinois », comme il dit. Il est à l’origine de la création à Valence, le 10 juin 1879, de l’Escolo dóufinalo dóu Felibrige qui, autour de lui, permettra, avec Roch Grivel, Ernest Chalamel, Maurice Viel et bien d’autres, l’émergence d’une véritable littérature d’oc en Drôme. Cette école drômoise s’inscrit d’abord dans la mouvance du Félibrige provençal même si des frictions se produisent bientôt, en matière de graphie notamment.

Car Louis Moutier n’a rien du félibre inconditionnel. Dans ses lettres à son ami Chalamel, il dénonce d’un même élan le comportement hégémonique de ceux qui veulent habiller « à la mode provençale » son parler dauphinois, aussi bien que la morgue des Cigaliers et félibres parisiens qui, de passage à Valence, n’ont pas cru bon de convier à leur fête les « écoliers » drômois, ou encore le changement d’orientation du Félibrige lors de l’élection de Félix Gras (le « félibre rouge ») comme capoulié.

Mais, toujours soucieux de promouvoir les parlers dauphinois, il n’hésite pas à proposer, en vain il est vrai, à l’abbé Pascal, de Gap, la création d’une maintenance dauphinoise du Félibrige, tout en continuant à participer au culte mistralien, plusieurs années après la mort de son école delphinale. Ainsi, en 1896, il ne manque pas d’inviter le « maître » à présider les fêtes d’Étoile où, comme l’année suivante à Valence en présence du Président Félix Faure, triomphe Lou Nouananto-nòu de Gatien Almoric. Mais à vrai dire, plus que l’esprit d’école ou les mondanités, c’est sa passion pour la langue qui anime Moutier et va motiver ses recherches linguistiques.

Ses premiers travaux connus, Grammaire dauphinoise et Glossaire du sous-dialecte de Loriol, sont couronnés d’une médaille d’or par l’Académie delphinale de Grenoble au concours de 1877. Et on note que c’est très certainement dans ce glossaire qu’il envoie à Mistral en 1879 – et qui semble aujourd’hui disparu – que l’auteur du Tresor dóu Felibrige a puisé une partie non négligeable de ses entrées notées « d. » pour dauphinois.

S’il n’est pas un théoricien de la linguistique, Moutier met avec ardeur ses compétences d’érudit consciencieux au service d’une meilleure connaissance des parlers de sa région : étymologie et philologie (Les Noms de rivières du Dauphiné, Analyse philologique du Mystère de Saint-Antoine) ou édition de textes anciens, dont les manuscrits lui sont probablement communiqués par l’archiviste André Lacroix (Mens d’airanço, sirventès inédit d’un troubadour du XIIe siècle, publié en 1884 ; Charte de Die (1325), en 1885, etc.). Il réfléchit aussi aux problèmes de graphie (Orthographe des dialectes de la Drôme) et sa contribution dans ce domaine, où il se démarque de l’orthodoxie félibréenne, le situe parmi les précurseurs d’une orthographe moderne de l’occitan.

Mais c’est surtout pour son Dictionnaire des dialectes dauphinois, édité en 2007 seulement, que la communauté des linguistes restera reconnaissante à Louis Moutier. Riche de plus de 37000 formes pour plus de 25000 articles, c’est, dit le romaniste suisse Wartburg, l’« un des ouvrages les plus remarquables qu’il y ait dans ce genre ». Les entrées, dont beaucoup ne figurent dans aucun autre dictionnaire, sont accompagnées de leur localisation et d’une notation phonétique qui en font un outil irremplaçable. C’est aussi la pièce maîtresse d’une œuvre qui permet de situer Louis Moutier parmi les pionniers de la linguistique de l’occitan.

Bibliographie et sources :

Sources

  • Correspondances de Louis Moutier avec Ernest Chalamel (15 lettres conservées par La Glena de Jabron, à Dieulefit, contacter IEO Droma, Montélimar), Frédéric Mistral (29 lettres répertoriées 160, 34 à 160, 63 au Musée Mistral, Maillane), l’abbé François Pascal (2 lettres conservées aux Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : F 2866 et F 2867), Joseph Roumanille (Bibliothèque municipale d’Avignon, ms. 6011, année 1859, folios 28-29 et 264-265), la Société d’études des Hautes-Alpes (Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, tome II, 1883, p. 497-498.)
  • Archives concernant Louis Moutier conservées aux Archives départementales de la Drôme, Valence : 2 O 527, 14 V 28, 23 V 2, 28 V 5, 51 V 187.
  • Pour un inventaire détaillé des sources et toutes références utiles, voir J.-C. Rixte, « L’abbé Louis-Auguste Moutier : essai de bibliographie avec notes et commentaires » dans Louis Moutier, félibre drômois, poète du Rhône, actes réunis par Jean-Claude Bouvier, colloque de Montélimar, 18-19 octobre 1997, Montélimar : Daufinat-Provença, Tèrra d’Òc, 1999, p. i-lxvii.
  • Jourdanne, Gaston, « Quelques mots sur la littérature languedocienne à Narbonne du XVIIe au XIXe siècle » p. 493-518, in Bulletin de la commission archéologique de Narbonne, Narbonne, Imprimerie Gaillard, 1892, p. 517.

Bibliographie

  • Un Brounché de nouvèus doufinens e quauqueis vers per Chalendas. Montélimar : Impr. et lith. Bourron, 1879. 86 p.
  • Noms de rivières et légendes du Dauphiné : Notes philologigues. Montélimar : Impr. et lith. Bourron, 1882. 71 p.
  • Grammaire dauphinoise, dialecte de la vallée de la Drôme. Montélimar : Impr. et lith. Bourron, 1882. X-165 p.
  • « Analyse philologique du Mystère de Saint-Antoine » dans Le Mystère de Sant-Anthoni de Viennès, publié [...] par l’abbé Paul Guillaume. Gap : Société d’études des Hautes-Alpes ; Paris : Maisonneuve et Cie, 1884, p. 145-164.
  • Armagna doufinen per lou bel an de Diéu 1885. Fourcouquié : F. Bruneau. 101 p.
  • Bibliographie des dialectes dauphinois : Documents inédits. Valence : Impr. valentinoise, 1885. 55 p. [Contient « Noëls de Taulignan (17e siècle) », p. 37-50.]
  • Armagna dòufinen per lou bel an de Dìou 1886. Valenço : Imprimario valentinoiso. 80 p.
  • Orthographe des dialectes de la Drôme. Valence : Impr. valentinoise, 1886. 21 p.
  • « Petit glossaire patois des végétaux du Dauphiné », Bulletin de la Société d’archéologie, d’histoire et de géographie de la Drôme, tome XXIII, 1889, p. 480-490, p. 613-616 ; tome XXIV, 1890, p. 107-111.
  • Lou Tiatre d’Aurenjo. Valence : Impr. valentinoise, 1895. 15 p.
  • Lou Rose / Le Rhône : Pouème daufinen / Poème dauphinois avec traduction française en regard. Valence : Impr. valentinoise, 1896. 235 p.
  • « Glossaire d’ameublement, XIVe siècle », Bulletin de la Société d’archéologie, d’histoire et de géographie de la Drôme, tome XXXV, 1901, p. 35-44 ; p. 153-160.
  • Eirodiado / Hérodiade. Valence : Impr. valentinoise, 1902. 11 p.
  • Dictionnaire des dialectes dauphinois anciens et modernes. Édition, introduction, bibliographie et notes de Jean-Claude Rixte. Montélimar : IEO-Drôme ; Grenoble : ELLUG, 2007. 899 p., carte.

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