Figure omniprésente et pourtant mystérieuse du Bordeaux gascon, Jean-Antoine « Meste » Verdié occupe une place à part dans le paysage de l’écrit occitan. Né à la fin d’un siècle que l’on considère souvent comme une période creuse de la littérature d’oc, mort trop jeune pour avoir connu Jasmin et le Félibrige, souvent jugé avec une sévérité excessive dans les anthologies, Verdié est différent. Dans une ville en pleine mutation économique et urbanistique, il lance pourtant le siècle d’or de l’occitan bordelais et reste l’un des plus gros succès de librairie qu’aie connu du Port de la Lune au XIXe siècle. Dans la bouche des anciens, sur les marchés ou chez les bouquinistes, Verdié est encore partout. Il est LE représentant du Bordeaux gascon, de l’esprit recardèir de Saint-Michel et des Capucins, des forts des halles et des paysans médoquins endimanchés. Mais il est aussi un des derniers continuateurs de la tradition de l’écriture occitane farcesque et carnavalesque, héritier revendiqué de Goudouli et de François de Cortète.

Identité

Formes référentielles

Verdié, Antoine (1779-1820)

Autres formes du nom

- Meste Verdié (pseudonyme)
- Verdié, Jean Antoine (autre forme du nom)

Élements biografiques

Jean-Antoine Verdié est né le 11 décembre 1779 à Bordeaux, probablement dans la paroisse Saint-Rémi, derrière l’actuelle place de la Bourse, à deux pas de la Garonne. Nous ignorons le lieu exact de sa naissance, mais c’est dans l’église paroissiale Saint-Rémi qu’il est baptisé. Son milieu social est très modeste et mal documenté. Son père, Jean Verdié, est boulanger, probablement selon Philippe Gardy davantage un revendeur de pain et de gâteaux qu’un véritable artisan. Sa mère, Marie Brunetié, est un personnage sur lequel nous n’avons aucune information, excepté qu’elle semble être décédée précocement. Nous ignorons à peu près tout de l’éducation de Verdié, éducation dont ses références en matière de littérature laissent penser qu’elle ne fut pas bâclée, mais au contraire de bonne qualité.
Verdié se marie le 5 mai 1806 à Bordeaux avec Catherine « surnommée Rose N... » jeune fille mineure de dix-sept ans, demeurant au faubourg Saint-Seurin, c’est à dire dans des quartiers relativement récents à l’époque établis autour de la basilique Saint-Seurin, à l’ouest de Bordeaux, sur la route du Médoc. Nous sommes à l’opposé géographique de son lieu de naissance. C’est le quartier (alors semi-rural) où se déroule le Carnaval de Bordeaux, alors à son apogée, en particulier la procession du Mercredi des Cendres qui conduit les Bordelais jusqu’au village voisin de Caudéran. Ce détail n’en est pas un. C’est là que le ménage s’installe. Verdié est alors déclaré comme boulanger de profession. Verdié et son épouse eurent dans les années suivantes deux enfants, deux fils semble-t-il tous deux décédés en bas âge.
En 1810, Verdié s’installe à Bayonne. Les actes de naissance de deux autres de ses enfants (un fils et une fille) nous apprennent qu’il réside, entre 1810 et 1812 au numéro 51 de la rue Pannecau, puis de 1812 à 1814 au numéro 8 de la rue des Cordeliers. Les deux rues sont voisines, et 150 mètres séparent les deux habitations. Ce détail a son importance, parce que c’est dans ce quartier du Petit Bayonne, sur les bords de la Nive, entre le château et la cathédrale qu’a vécu est qu’est mort en 1807 le chansonnier gascon Pierre Lesca, en quelque sorte le Verdié de Bayonne. Ce maître-tonnelier, natif de la même rue des Cordeliers, s’était donc éteint à peine quatre ou cinq ans avant que Verdié n’y emménage, tout près de là, rue Maubec. Lesca, personnage mal connu, avait probablement laissé un souvenir, une trace de son activité dans ce quartier d’artisans en tonnellerie et d’imprimeurs dont Philippe Gardy rappelle l’activité en matière d’écriture populaire gasconne, avec des chansons et des pièces farcesques dont la matière n’est pas sans rappeler celle de Verdié, en particulier un texte manuscrit attribué à un certain Mailli (dont nous ignorons tout). Verdié est alors infirmier major à l’hôpital militaire. Dans le contexte des guerres de l’Empire, en particulier de l’installation par Napoléon Bonaparte de son frère sur le trône d’Espagne, sans parler de son affrontement avec la Grande-Bretagne, Bayonne devient une place forte de première importance stratégique qui attire beaucoup de monde en quête d’emploi dans l’entourage de l’armée. Verdié, sa famille et un certain nombre de Bordelais de son entourage font partie du lot.
Verdié rentre à Bordeaux en 1814 et s’installe avec son épouse rue Pont-Long, toujours dans le faubourg Saint-Seurin. C’est vers cette époque que Verdié commence à écrire (nous ne connaissons aucune œuvre de lui antérieure à 1814). Ses pièces sont imprimées chez Anne Roy, veuve de Jean-Baptiste Cavazza, imprimeur-libraire bordelais guillotiné en 1794 pour sympathies monarchistes. En cette fin de l’Empire, le retour des Bourbons est intensément souhaité dans un Bordeaux étranglé par le blocus qu’imposent les Britanniques (partenaires commerciaux privilégiés). Verdié se fait alors le chantre d’un monarchisme légitimiste d’occasion, qui sera généralement mal compris et lui sera reproché. L’imprimerie Cavazza est alors un foyer d’édition de l’écrit favorable aux Bourbons à Bordeaux. Le 11 janvier 1817 au Théâtre Français est jouée sa Mort de Guillaumet, suite d’une de ses farces (l’Abanture comique, en 1815), dont le chroniqueur et avocat bordelais Pierre Bernadau salue la représentation par une note méchante dans ses Tablettes. Verdié est alors grenadier de la Garde Nationale de Bordeaux, poste dont il démissionnera pour devenir employé de l’octroi de la ville (pèla-gigòt, pèle-gigot selon l’appellation locale), puis travaille un temps comme « facteur » à la Ruche d’Aquitaine, revue littéraire bordelais d’Edmond Géraud (francophone, mais attiré par la thématique d’une Occitanie médiévale mythifiée), avant de lancer sa propre revue, mais en occitan : La Còrna d’Abondença, en 1819. Entouré d’une « société de poètes gascons » Verdié se lance dans le projet de la première revue littéraire en langue d’oc connue. Il en livrera sept numéros. Verdié déménage finalement place de Rodesse, dans le quartier Mériadeck. Il y décède le 25 juillet 1820 à l’âge de 40 ans. Nous ignorons les circonstances de sa mort, par ailleurs assez peu documentée. Verdié devient, à peine mort, un personnage de contes et légendes. Vingt-six ans après, en 1846, son premier biographe Laurent Charles Grellet-Balguerie (qui signe Charles Bal) répand l’idée que Verdié a été « sablé » c’est à dire battu à mort avec une peau d’anguille remplie de sable tassé, pour ne laisser aucune trace. On parle de dettes, mais aussi d’excès en tous genres, et même, selon une légende urbaine locale qui se fait jour vers la fin du siècle, d’un pacte avec le diable, qui ferait de l’auteur bordelais une sorte de Faust de l’écriture. Verdié, enterré dans le carré des indigents du cimetière de la Chartreuse, n’aura droit à une véritable sépulture que bien des années plus tard, sur la volonté de sa sœur. Cette tombe a été détruite et a aujourd’hui disparu.

Engagement dans la renaissance d'oc

L’œuvre de Verdié se compose principalement d’œuvres en occitan mêlé de francitan. Il s’agit d’un topos farcesque connu et utilisé depuis le XVIIe siècle au moins, autant dans la littérature française qu’occitane, que bien d’autres auteurs de langue d’oc, notamment à l’époque baroque, ont utilisé, tels Goudouli ou François de Cortète de Prades. Verdié a écrit des textes en vers qui semblent avoir été destinés à être joués, à la façon des farces de l’âge baroque, dont seul un canevas de texte était écrit, l’interprétation étant laissée au talent d’improvisation des acteurs. Mais il nous a également laissé des pièces en français (réputées de piètre qualité), des chansons et quelques textes de circonstance ou de commande. Presque tout ce qui a été imprimé du vivant de l’auteur l’a été chez la veuve Cavazza :

- Acrostiche à l'honneur de Monsieur Lainé, ministre de l'Intérieur, ou la reconnaissance des Bordelais (1814)
- L'abanture comique de meste Bernat ou Guillaoumet de retour dens sous fougueys (1815)
- La Catastrophe affruse arribade à meste Bernat ou sa séparatioun dam Mariote (1815)
- Sounet dédiat aou Rey. (sans doute 1815)
- La Revue de Meste Jantot dans l'arrondissement de Bordeaux, ou la Rentrée des Bourbons en France, poëme dialogué, dédié aux amis du Roi, par M. Antoine Verdié (1816)
- La mort de Mariote ou meste Bernat bengé (1816)
- La mort de Guillaumet (1816)
- La Conduite de Grenoble, ou la Conspiration manquée, chanson nouvelle, dédiée aux gardes nationales du royaume (1816)
- Le Mois de mars passé, ou le Poisson d'avril mangé par les bonapartistes, chanson nouvelle (1816)
- Rondeau du mois de mai... à l'honneur du mariage de S.A.R. Monseigneur le duc de Berri (1816)
- La mort de Guillaumet, tragédie burlesque en 2 actes et en vers, Bordeaux, Théâtre Français, 11 janvier 1817
- Lou Sabat daou Médoc ou Jacoutin lo debinaeyre dam Piarille lou boussut (1818)
- Bertoumiou à Bourdeou ou lou peysan dupat (1818)
- Respounse a Meste Verdié, autur daou Sabat saou Medoc. Satire patoise, per un Medouquin (1818), selon Philippe Gardy, Verdié est l’auteur de ce pamphlet rédigé contre lui-même.
- Antony lou dansaney ou la rebue des Champs-Eliseyes de Bourdeou (1818)
- Alexis ou l'infortuné laboureur (1818)
- Les enfans sans soucis, ou L'art de banir la tristesse (1818)
- Le Gascon à Bordeaux, ou Maffay et Lazzari, fait historique (1818)
- Cadichoune et Mayan ou les doyennes de fortes en gule daou marcat (1819)
- Fables nouvelles, dédiées à M. Dussumier-Latour,... commandant de la 2e cohorte de la Garde nationale bordelaise, par M. Verdié. Première édition (1819)
- L'Amour et le célibat, comédie en un acte et en vers, par M. Verdié (1819)
- Réponse de M. Verdié à la satire qui a été publiée contre lui, ou Rira bien qui rira le dernier (1819)
- La Corne d'aboundence, oubratge poétique et récréatif per une societat de poetes gascouns et rédigeat per Meste Verdié. Neuf livraisons (1819-1820)
- Dialogue entre l'illustre Don Mardi-Gras et Carême l'abstinent, sans date, d’attribution douteuse.
- Le procès de Carnaval, ou Les masques en insurrection, sans date.
- Testament de Mardi-Gras, sans date.
- Conversion de Mardi-Gras, sans date.
- Cansoun, sans date.
- Chanson nouvelle, dédiée aux Bordelais pour l'anniversaire des douze mois, sans date.
- Le Corps-de-garde, chanson à l'honneur de la nouvelle organisation de la Garde nationale bordelaise, sans date.
- Lou Gascoun sur la route de Paris, attribution incertaine, sans date.
- Le Gâteau du 6 janvier, sans date.

Pour une bibliographie complète de Verdié, il sera renvoyé à la synthèse de François Pic, à la fin de l’ouvrage référentiel de Philippe Gardy : Donner sa langue au diable. Vie, mort et transfiguration d’Antoine Verdié, Bordelais. Fédérop, Section Française de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 1990. Il s’agit de la synthèse la plus complète de la vie et de l’œuvre de Verdié qui ait été faite à ce jour.
Verdié fut un des plus gros succès de librairie à Bordeaux au XIXe et au début du XXe siècles. Outre les éditions séparées d’œuvres parues de son vivant, puis dans les années qui ont suivi sa mort (par la veuve Cavazza, puis par son successeur Lebreton), il convient de citer les regroupements de ses textes, publiés par les imprimeurs-libraires Élie Mons, puis Auguste Bord, dans les années 1840-50. La première édition de ses œuvres (presques) complètes voit le jour en 1868, chez Émile Crugy. François Pic précise que « d’une manière ininterrompue le public bordelais put, de 1868 aux dernières années du XIXe siècle, découvrir, posséder et relire les principales œuvres d’A. Verdié » (op. cit. p.211). Il convient de ne pas omettre le travail de Grellet-Balguérie, premier biographe de Verdié : Essai sur les poésies françaises et gasconnes de Meste Verdié, poète bordelais, par Charles Bal. Bordeaux, Coudert, 1846, qui s’appuient sur des témoignages de personnes ayant connu Verdié, dont, semble-t-il, sa propre sœur. Par la suite, nous pouvons citer plusieurs rééditions :

- Œuvres gasconnes de Meste Verdié, poète bordelais (1779-1820). Édition nouvelle soigneusement collationnée, considérablement augmentée et précédée d'une notice, sur Antoine Verdié. Son temps, sa vie, ses œuvres, sa langue, par Léon Bonnet, lauréat des Jeux floraux septenaires. Préface de M. Édouard Bourciez, professeur de langues et littératures du sud-ouest de la France, à la Faculté des lettres de Bordeaux. Féret et fils, Bordeaux, 1921.

- Farces bordelaises, traduction par Bernard Manciet, préface par Albert Rèche, Bordeaux, l'Horizon chimérique, 1989.

- Mèste Verdié. Obras gasconas : Bordeaux, Ostau occitan ; Toulouse, Institut d'études occitanes ; Orthez, Per noste, 1979.

- Istoèras bordalesas e gasconas. Version bilingue gascon-français. Éditions des Régionalismes, 2016.

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Édouard Bourciez (1854-1946), agrégé de Lettres, professeur à l’université de Bordeaux, dirigea la première grande enquête linguistique sur l’occitan en Gascogne. Membre de l’Escole Gastou Fébus, collaborateur régulier de la revue Reclams de Biarn e Gascougne et auteur de nombreuses études linguistiques sur le domaine gascon, il soutint l'instituteur béarnais Sylvain Lacoste et ses revendications pour un enseignement du gascon à l’école.

Identité

Forme référentielle

Bourciez, Édouard (1854-1946)

Autres formes connues

< Bourciez, Édouard-Eugène-Joseph (1854-1946) (nom complet d'état-civil)

Éléments biographiques 

Édouard Eugène Joseph Bourciez est né à Niort, dans les Deux-Sèvres, le 29 janvier 1854, dans une famille d’enseignants. Élève brillant, il est admis en 1873 à l’École Normale Supérieure, licencié ès-Lettres l’année suivante puis agrégé en 1876. Il entame alors une carrière dans l’enseignement secondaire comme professeur au lycée de Bar-le-Duc, puis à Orléans. Son premier contact avec la terre d’Oc sera à Nice, où il sera nommé ensuite. Il enseignera également à Nancy.
Son retour en Occitanie se fera en 1883 : il est alors nommé maître de conférence à la faculté de Lettres de Bordeaux, institution et ville qu’il ne quittera plus. Il soutient en 1886 sa thèse de doctorat en français sur Les Mœurs polies et la littérature de cour sous Henri II complétée, comme le voulait alors le règlement pour les universitaires exerçant en Lettres, par une seconde thèse, en latin : De Praepositione "ad" casuali in latinitate aevi merovingici, thesin Facultati litterarum Parisiensi. Il devient en 1890 professeur-adjoint, puis en 1893 professeur des universités, en charge de la toute neuve chaire de Langue et littérature du Sud-Ouest.
C’est dans la grande ville gasconne que Bourciez commence véritablement à s’intéresser à l’idiome occitan, et en particulier à sa forme gasconne bordelaise à partir du début des années 1890. Ce romaniste possède alors déjà à son actif un certain nombre de travaux sur la grammaire du latin, du français ancien et moderne, sur la littérature occitane - déjà - et espagnole, sur la phonétique et la phonologie... Son activité couvre l’ensemble du domaine roman. En plus de soixante ans d’une carrière exceptionnellement riche, Édouard Bourciez s’est intéressé à une infinité de choses, mais ce sont les études gasconnes qui vont constituer, de plus en plus, le cœur de son action d’enseignant-chercheur à partir de sa nomination à Bordeaux, sans toutefois rien dédaigner de l’ensemble de son domaine d’étude. C’est de Bordeaux qu’il lancera son enquête linguistique en 1894. Jusqu’à ses vieux jours, il conservera une activité de publication et de recherche, relisant et corrigeant ses œuvres en vue de rééditions. Il décède à Bordeaux le 6 octobre 1946, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Son successeur de chaire, Gaston Guillaumie, lui consacre un article nécrologique qui retrace son parcours. Son fils, Jean Bourciez, fut aussi un universitaire de renom, auteur de travaux sur la langue occitane tels que sa thèse intitulée Recherches historiques et géographiques sur le parfait en Gascogne (Bordeaux, Féret, 1927). Il œuvra aux côtés de son père pour les derniers travaux de celui-ci.

Engagement dans la renaissance d'oc

Recherches dans le domaine des langues romanes, et plus particulièrement de la langue d’oc

Il sera traité plus loin de la bibliographie très abondante d’Édouard Bourciez, qui recouvre une période de soixante-cinq années de son vivant, sans compter les nombreuses rééditions posthumes. Si sa première contribution avérée aux études occitanes est un article paru dans la première livraison des Annales de la faculté des Lettres de Bordeaux (1888) consacré aux œuvres du poète Arnaud Daubasse (1664-1727), « maître-peignier » originaire de Villeneuve-sur-Lot, c’est au domaine gascon et particulièrement à Bordeaux que Bourciez va se consacrer très rapidement. Bourciez est issu d’une des dernières générations qui ont connu la pratique courante et quotidienne de l’occitan dans les rues de Bordeaux, et davantage encore dans sa banlieue et la campagne environnante. Ses connaissances de philologue et de romaniste vont très rapidement lui permettre de mettre au point un croisement entre approches synchronique et diachronique de l’occitan bordelais, en comparant ce que lui donnent les sources de l’époque médiévale à son temps, à ce qu’il peut entendre tout autour de lui. Notons également que Bourciez arrive à Bordeaux dans un contexte plutôt favorable à la valorisation de la « langue gasconne » aussi bien par sa présence dans la réalité quotidienne, mais aussi par l’existence d’un certain nombre de gens de lettres et d’universitaires très attirés par son étude. La municipalité de Bordeaux encouragea plusieurs publications sur l’histoire et la culture locales, dont la célèbre Histoire de Bordeaux de Camille Julian, confrère de Bourciez à la faculté, historien très au fait de l’identité gasconne bordelaise. Mais nous pouvons citer également Jules Delpit, Achille Luchaire, les abbés Hippolythe Caudéran et Arnaud Ferrand (et le cénacle de prêtres occitanophiles qui l’entourait), Léo Drouyn ou encore Reinhold Dezeimeris. Nous voyons paraître dès 1890 dans les mêmes Annales de la faculté de Lettres « La Conjugaison gasconne d’après les documents bordelais », qui reprend une partie d’une plus vaste étude, demeurée manuscrite et dont une copie est conservée à la Bibliothèque universitaire de Bordeaux sous le titre Étude sur le dialecte gascon parlé à Bordeaux vers 1400 d’après le Livre des Bouillons, les registres de la Jurade et les chartes de l’époque, sans date ni nom d’auteur, mais dont le doute concernant l’attribution à Bourciez n’est pas permis. Cette étude, qui ne demande qu’à être publiée, représente la synthèse diachronie/synchronique précédemment évoquée, au moyen d’un croisement très rigoureux des sources anciennes et modernes. En 1892 paraît La Langue gasconne à Bordeaux : Notice historique, qui est d’abord intégrée à une monographie publiée par la municipalité de Bordeaux, avant de connaître des rééditions dans les années 2000. Suivent « Les documents gascons de Bordeaux de la Renaissance à la Révolution » qui paraît en 1899 dans les Actes de la Société Philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, puis en 1901 Les mots espagnols comparés aux mots gascons (époque ancienne). Mais parallèlement, Bourciez continue à étudier la linguistique romane, la phonétique et la syntaxe du français ancien et moderne, mais aussi des dialectes d’Oïl comme le parler « gavache », auquel il consacre quelques travaux. En 1936 paraît Le domaine gascon (Droz). Bourciez contribue activement pendant ce temps à des publications aussi prestigieuses que le Bulletin hispanique, la Revue critique, la Revue des études anciennes, et pour en rester au domaine occitan, la célèbre revue Reclams (il sera un des codificateurs de la norme félibréenne béarnaise et gasconne en trois étapes, 1900, 1902 et 1904), les Annales du Midi, la Revue des universités du Midi, la Revue des Pyrénées et de la France méridionale ou les bordelaises Revue méridionale et Aquitania.
Édouard Bourciez est surtout connu pour sa colossale enquête linguistique, lancée en 1894 et connue sous le nom d’Enquête Bourciez, quoique son titre d’origine soit le Recueil des idiomes de la région gasconne. Prévue, nous dit-il dans la préface du manuscrit pour l’Exposition universelle prévue à Bordeaux en mai 18951, elle se donne pour propos de réunir et offrir au public des specimens des idiomes actuellement parlés dans le Sud-Ouest de la France, et plus particulièrement de ceux qui se rattachent aux diverses variétés de la langue Gasconne.

Ces dix-sept volumes manuscrits conservés à la Bibliothèque universitaire de Bordeaux, dans leur version papier originale et en copies microfilm, se basent sur un texte déjà utilisé précédemment pour les enquêtes linguistiques, la Parabole du fils prodigue, dans une forme revisitée par l’universitaire afin d’obtenir tous les types de mots et de formes qu’il juge nécessaires pour avoir une sorte de photographie en un temps T de l’idiome pratiqué dans chaque commune des zones concernées. La parabole est donc adressée à tous les instituteurs de chaque ville et village des académies de Bordeaux et Toulouse (pour sa partie gasconne), par l’intermédiaire des inspecteurs d’académie et inspecteurs primaires. Le soin est laissé ensuite aux enseignants de traduire eux-mêmes le texte, ou de se faire aider par qui leur convient localement. Il reçut en retour 4 444 réponses2 , principalement de la zone occitane, mais aussi de la zone basque et de quelques communes de dialecte d’Oïl. Cette enquête est à ce jour inédite pour sa partie occitane (Charles Videgain ayant œuvré à la publication de la partie bascophone). Elle constitue un document essentiel et incontournable pour comprendre la variation diatopique de l’occitan occidental, et plus généralement pour permettre une pensée de la dialectologie occitane.
Mais Bourciez est également l’inventeur du code de transcription phonétique appelé « alphabet de Bourciez » ou « de Boehmer-Bourciez » ou encore « alphabet » ou « transcription des romanistes », qui constitue une des premières tentatives d’un alphabet phonétique de transcription. Pensé pour les langues romanes et le grec, il reprend certains éléments de la norme d’écriture de l’occitan que proposait dès 1860 Hippolythe Caudéran (que Bourciez cite à plusieurs reprises). Notons qu’il est contemporain des premiers essais de l’API (qui paraît pour la première fois en 1888 sous la direction de Paul Passy). Bourciez s’est intéressé de près aux travaux de l’abbé Rousselot sur la phonétique expérimentale, et bien sûr à ceux de son confrère suisse Jules Gilléron, avec la publication entre 1902 et 1910 de l’Atlas linguistique de la France. L’alphabet de Bourciez, toujours utilisé ponctuellement pour l’ancien français, est celui qui a été notamment employé pour les transcriptions de l’Atlas linguistique de la Gascogne de Jean Séguy, Jacques Allières et Xavier Ravier.

Engagements en faveur de l’enseignement de l’occitan

Mais Édouard Bourciez ne s’est pas contenté d’illustrer de ses recherches les études occitanes. Cet homme de la Sèvre niortaise, parisien d’études et de jeunesse, affecté en plusieurs endroits au début de sa carrière, s’est définitivement fixé à Bordeaux où il est devenu un militant de la défense de la langue occitane, s’identifiant totalement à son nouvel espace de vie gascon auquel il a consacré certains de ses travaux les plus célèbres. En cela, Bourciez est l’incarnation parfaite et anticipée de ce qu’affirma bien des années plus tard Félix Castan : « On n’est pas le produit d’un sol, on est le produit de l’action qu’on y mène ». Son engagement aux côtés des pionniers de l’enseignement de l’occitan, et plus généralement des langues dites régionales, est moins connu. Signataire de pétitions quand le besoin s’en faisait sentir, Bourciez fut en outre un auxiliaire précieux pour l’instituteur Sylvain Lacoste, de l’Escole Gastou Fébus, un des premiers enseignants à avoir activement milité pour que le « patois » fût enseigné à l’école à côté du français. Auteur en 1900 de l’ouvrage fondateur Du patois à l’école primaire (Pau, Vignancourt), dont les deux premières parties paraissent également dans Reclams, Lacoste publie en 1902 un Recueil de versions gasconnes préfacé par Bourciez, caution morale et scientifique de la démarche. L’enseignement de la langue d’oc à l’école connaît un véritable engouement à cette époque, en particulier en Gascogne, auprès de nombreux enseignants. Bourciez, par son prestige universitaire et le poids de sa parole, n’y est sans doute pas étranger. En 1942, Bourciez, en fin de vie, sera encore le préfacier de la Bibliographie gasconne du Bordelais de Pierre-Louis Berthaud. Il y laisse transparaître sa foi en l’avenir de l’occitan et ses espoirs, à travers les propos que Berthaud lui-même cite onze ans plus tard à la fin de son ouvrage La littérature gasconne du Bordelais :

« Dans la partie la plus septentrionale de la zone gasconne, l’idiome des ancêtres s’est conservé au cours des siècles et a laissé, de sa pérennité, des témoignages qui, pour être à de certains moments assez clairsemés, n’en sont pas moins incontestables. Il vit toujours, malgré la puissante emprise qu’exerce sur lui la langue française : il vit, il est parlé, fort peu évidemment dans les villes, même parmi les classes populaires, mais encore d’une façon très courante dans les campagnes. Il se parle, donc il peut aussi s’écrire. D’ailleurs, qui connaît l’avenir ? Qui sait si, quelque jour, il ne donnera pas un éclatant démenti aux prophètes de malheur ? »


1. Le catalogue de l’exposition (Bordeaux, Gounouilhou, 1895) ne contient cependant aucune allusion au gascon et encore moins aux travaux de Bourciez.

2. Sur 4414 communes, certaines ne répondant pas mais d’autres ayant envoyé en réponse deux, trois, quatre voire davantage de versions du texte.


Bibliographie de l'auteur

- Voir les publications de Édouard Bourciez référencées dans 
Le Trobador, catalogue international de la documentation occitane


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Pierre-Louis Berthaud  (Bordeaux, Gironde, 24 août 1899, Séry-Magneval, Oise, 8 août 1956), journaliste, homme politique, majoral du Félibrige (Cigale du Tarn), membre de l’Institut d’Études Occitanes (IEO), franc-maçon, cofondateur de la revue Occitania (1956).

Identité

Formes référentielles

Berthaud, Pierre-Louis (forme référentielle française)

Éléments biographiques

Fils d’instituteurs, il étudie à Bordeaux où il obtient une licence de Droit et Lettres. Mobilisé en tant que traducteur auprès des forces américaines en 1918, il est alors membre de la SFIO. Son ascension dans la fédération socialiste de la Gironde est d’ailleurs rapide puisqu’il assiste au congrès de Tours de 1920 en tant que délégué (bien que son mandat semble ne pas avoir été validé). Mais il se trouve éloigné de la vie militante pendant plusieurs années suite à un grave accident d’automobile auquel vient s’ajouter une tuberculose.

Proche du nouveau maire de Bordeaux, Adrien Marquet, il devient conservateur adjoint à la Bibliothèque municipale de Bordeaux en 1925 ; poste qu’il occupe jusqu’en 1928, année où il quitte son emploi suite à une brouille avec Marquet pour se lancer dans le journalisme en tant que secrétaire de rédaction du journal L’Avenir de la Vienne.

Il devient directeur de ce journal en 1929 et le quitte en 1932 après ce qui semble être une longue succession de brouilles qui le voient notamment accusé d’être un sympathisant de l’Action Française.

De retour en Gironde dans la maison familiale de Gaillan-en-Médoc, il tente de relancer sa carrière de journaliste en envoyant des articles à divers journaux et revues et essaie vainement de trouver une place au quotidien La Petite Gironde qui appartient au même consortium que L’Avenir de la Vienne

Il fait aussi là ses premiers pas dans la politique en tant que candidat. Après avoir vainement tenté en 1929 de monter une liste « républicaine d’intérêts municipaux » lors des élections municipales à Poitiers, il mène en tant que candidat républicain indépendant une liste pour les municipales de 1935 à Gaillan, terminant à la deuxième place, derrière la liste de droite et devant celle de gauche.

Il rejoint finalement Paris en 1937, époque à laquelle il démissionne de la franc-maçonnerie à laquelle il avait été initié à Bordeaux en mars 1927. C’est à cette époque, semble-t-il, qu’il se met à faire plus régulièrement des piges pour divers journaux. Marié en janvier 1939 à Juliette Dissel, il s’occupe à la même période de l’accueil des intellectuels catalans réfugiés qui sont hébergés à Roissy-en-Brie. Il devient par ailleurs directeur-gérant de la Revista de Catalunya pour les numéros édités en France en 1939-1940 et s’occupe du secrétariat de la Fondation Ramon Llull.

Il quitte Paris lors de l’exode en juin 1940 pour rejoindre le sud. On le retrouve à Vichy en octobre 1940. Il occupe alors un poste de rédacteur au ministère de l’Information du gouvernement de Vichy. Là, dès le début de 1941, il entre en contact avec les services anglais pour leur transmettre des informations, notamment les minutes de la commission d’armistice de Wiesbaden. Il devient membre du réseau de résistance Mithridate et est arrêté par la Gestapo le 21 janvier 1944 interné à Moulins puis à Compiègne avant d’être déporté à Dachau le 6 juin 1944.

De retour de déportation en mai 1945, son divorce ayant été prononcé pendant sa déportation, il se remarie avec Madeleine Castelain, rencontrée alors qu’ils travaillaient dans le même service du ministère de l’Information de Vichy. Il reprend rapidement ses activités de journaliste parlementaire et devient syndic de la presse parlementaire entre 1947 et 1949. Il assure par ailleurs le secrétariat du Comité international des anciens détenus de Dachau et représente à ce titre la France à la Commission internationale pour Service international de recherches sur les archives de la déportation conservées à Arolsen, ainsi que la vice-présidence de l’Amicale des Anciens de Dachau et la gérance et la direction de la revue de cette association.

Après un échec aux élections législatives de 1951 dans le Tarn où il s’est présenté sous l’étiquette RPF, il est désigné le 11 juillet 1952 par l’Assemblée nationale, conseiller de l’Union Française avec l’étiquette UFAS (gaulliste). Cette charge l’amène à présider la Commission de l’Information et à être délégué de l’assemblée auprès de l’UNESCO. Son action parlementaire trouve son point d’orgue lors du débat sur le traité instituant la Communauté Européenne de Défense contre laquelle il prend fait et cause en 1954. Il est toujours conseiller de l’Union Française lorsqu’il décède d’une crise cardiaque le 6 août 1956.

Engagements dans la renaissance d’oc

 Pierre-Louis Berthaud s’intéresse très tôt à la langue d’oc et devient peu à peu un militant actif. En contact avec la langue dès la prime enfance dans la maison familiale où vivent ses grand-parents à Gaillan, il dit avoir pris conscience à l’adolescence de l’unité de la langue d’oc lorsque, ayant acheté une brochure intitulée Poètes provençaux modernes, il se rendit compte que le parler de Gaillan était, à peu de choses près, celui utilisé par les félibres provençaux.

Dès le début des années 1920, il est en contact avec Ismaël Girard et, très certainement, abonné à Oc. Il faut sans doute voir en partie dans ce rapprochement l’intérêt qu’il développe alors pour la Catalogne à laquelle il consacrera de nombreux articles jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. C’est d’ailleurs cet intérêt qui l’amène à prendre contact au début des années 1930 avec Louis Alibert et l’abbé Joseph Salvat. En 1930, il participe aux fêtes du centenaire de Frédéric Mistral et est impressionné par Charles Maurras. C’est à la suite de ces fêtes qu’il va donner à Bordeaux et Poitiers des conférences consacrées au poète provençal, conférences réunies en 1931 dans une brochure intitulée Frédéric Mistral, la langue occitane et la latinité.

Curieux, sans cesse à la recherche de nouvelles informations il est abonné à la revue Calendau animée par Pierre Azéma et Léon Teissier, et se rapproche dès 1934 de la revue Occitania pour laquelle il écrit quelques articles en tant que correspondant pour la Gascogne. Intéressé par le projet politique que porte Occitania, il participe en décembre 1935 à Narbonne au congrès des Amis d’Occitania duquel sortira un « Programme occitaniste de base » à tendance fédéraliste. Lorsqu’il s’installe à Paris en 1937, il rentre rapidement en contact avec les Amis de la Langue d’Oc, l’école félibréenne parisienne, dont il devient vite un membre actif. C’est à ce moment-là qu’il se lie véritablement d’amitié avec Jean Lesaffre qui participe lui-aussi à l’aventure d’Occitania. C’est à ce titre de membre des Amis de la Langue d’Oc qu’il organise l’accueil des intellectuels catalans.

En 1939, il prend en charge depuis Paris l’édition d’un journal destiné aux soldats occitans sur le front. Ce sera Oc – titre que lui confie alors Ismaël Girard – édition de guerre qui paraît le temps de cinq numéros entre janvier et mai 1940.

Le fait d’avoir un emploi au ministère de l’Information à Vichy ne freine pas l’action militante de Pierre-Louis Berthaud. Il continue par exemple à gérer pour les Catalans la Revista de Catalunya et la Fondation Ramon Llull. C’est encore à Vichy qu’il crée en 1942 un Centre Permanent de Défense de la Langue d’Oc après avoir publié en 1941 dans la Revue Universelle ses "Réflexions sur l’enseignement de la langue d’oc". Ce Centre Permanent de Défense de la Langue d’Oc a toutefois une activité limitée puisqu’il est porté essentiellement par le seul Pierre-Louis Berthaud.

Celui-ci n’en est pas moins actif et s’implique notamment dans les vifs débats suscités dans la presse nationale et régionale par le décret Carcopino du 24 décembre 1942 qui autorise un enseignement facultatif des dialectes locaux. Toujours à Vichy, reprenant une idée de Max Rouquette du temps de la revue Occitania, il tente de créer un Office de Presse Occitane destiné à envoyer aux journaux nationaux et régionaux des articles sur la langue et les débats suscités autour d’elle. Là encore, l’échec est patent faute de pouvoir s’appuyer sur un collectif de militants susceptibles de prendre en charge une partie du travail.

C’est à cette époque, vraisemblablement depuis 1938-1939, que Pierre-Louis Berthaud travaille à une bibliographie occitane, mais ses fiches disparaissent après son arrestation par la Gestapo en janvier 1944. Il n’en arrive pas moins à publier en 1942 une Bibliographie gasconne du Bordelais.

De retour de déportation, il reprend son activité militante en faveur de la langue d’oc. Il réussit ainsi à faire publier en 1946 le premier volume de sa Bibliographie occitane (1919-1942). En 1947, il publie avec Jean Lesaffre un Guide des études occitanes. Cette même année, lors de la Sainte-Estelle de Périgueux, il est élu majoral du Félibrige, succédant avec la cigale du Tarn à Jean Charles-Brun, ce qui n’est pas sans éveiller quelques tensions au sein du Félibrige eu égard au fait que Pierre-Louis Berthaud est aussi proche de l’Institut d’Études Occitanes dont il intègre le conseil d’administration. Son investissement en faveur de la langue et de la culture catalanes ne se démentent pas non plus ; il participe en 1945 à la création à Paris de l'Institut Català d'Art i Cultura, et de la revue Presencia Catalana dont il deviendra directeur-gérant en 1948, année où il préside la commission organisatrice des Jocs Florals de la Llengua Catalana, de Paris.

C’est entre 1950 et 1951 qu’il s’investit dans ce qui apparaitra pour nombre de militants en faveur de la langue d’oc de cette époque comme son action la plus importante : en tant que fin connaisseur des mœurs parlementaires et délégué parisien du Cartel de Défense des Langues Régionales, il œuvre en coulisse auprès des députés, sénateurs et ministres en faveur du vote de la loi Deixonne sur l’enseignement des langues et dialectes locaux.

Pour autant, Pierre-Louis Berthaud n’abandonne pas ses travaux de recherche. Il travaille à un deuxième volume de la bibliographie occitane et profite de sa campagne électorale dans le Tarn en 1951 pour effectuer des recherches dans divers fonds d’archives et découvre ainsi la poétesse albigeoise Suzon de Terson (1657-1684). Le début des années 1950 est aussi le moment où les relations entre Pierre-Louis Berthaud et le Félibrige se tendent. Début 1952, avec l’abbé Joseph Salvat et Frédéric Mistral Neveu, il remet sur le tapis un sujet sensible en lançant auprès du Félibrige une démarche en vue de lever « l’indignité consistoriale » qui touche Charles Maurras depuis la Libération. En 1951, c’est grâce à lui que lors de la Sainte-Estelle d’Aurillac Pierre Rouquette est élu majoral contre Charles Rostaing. Cette élection fait ressurgir le conflit latent entre « Provençaux » et « Occitans ». L’année suivante, lors de la Sainte-Estelle de Clermont-l’Hérault, les trois candidats « occitans », Jean Lesaffre, Léon Cordes et Roger Barthe sont battus par des candidats « provençaux » après une intense campagne menée auprès du consistoire par des majoraux « provençaux » et Sully-André Pierre. Parrain de Jean Lesaffre qui se présentait au majoralat en hommage à Joseph Loubet dont la cigale était vacante après sa mort, Pierre-Louis Berthaud vit particulièrement mal ce camouflet. C’est en réaction à ce qu’il considère comme une machination qu’il démissionne en juin 1952 de son titre de majoral et qu’il publie une acerbe Letro au Capoulié sus lis eleicioun de Clarmount e l’anamen dóu Felibrige. Sa démission rejetée lors de la Sainte-Estelle de 1953, il demeure majoral mais a tôt fait de réserver son action militante à l’Institut d’Études Occitanes et de devenir un véritable trouble fête au sein du Félibrige en jouant notamment un rôle essentiel dans la mise en place d’une véritable contre-cérémonie pour célébrer les cent ans de l’association en 1954 en Avignon et en convaincant les ayant-droits de Théodore Aubanel d’éditer les œuvres du poète en graphie classique.

Bien qu’occupé par ailleurs par ses différentes activités, parlementaires ou au sein des associations d’anciens déportés, Pierre-Louis Berthaud consacre beaucoup d’énergie jusqu’à sa mort à l’Institut d’Études Occitanes au sein duquel il apparait comme un conseiller très influent. Son dernier projet est la reprise du titre Occitania avec Ismaël Girard. Les deux hommes, avec l’aide de Robert Lafont, entendent créer un journal d’information économique et culturelle destiné à sensibiliser les milieux d’affaires aux perspectives de développement des régions occitanes. Trois numéros paraissent en 1956 avant la mort de Pierre-Louis Berthaud. Le journal continuera à paraître sous l’autorité d’Ismaël Girard jusqu’en 1962.

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Un humaniste et un homme d’action, Pierre-Louis Berthaud (1899-1956). Paris, Les amis de la Langue d’Oc Paris, 1957 & Oc, n° 201-202, juillet-décembre 1956

- Notice biographique du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.

Fonds d'archives

- Fonds Pierre Azéma, Béziers, CIRDÒC (AZP07, AZP22)

- Fonds André J. Boussac, Béziers, CIRDÒC (BOU04)

- Fonds Robert Lafont, Béziers, CIRDÒC (LAF1954, LAF1955, LAF 1956, LAF06, LAF07, LAF61)

- Fonds Ismaël Girard, Béziers, CIRDÒC Fonds du Collège d’Occitanie (CQ003, CQ021, CQ311, CQ519)

- Fonds Joseph Salvat, Béziers, CIRDÒC, Fonds du Collège d’Occitanie (CP008bis)

- Fonds André Lebey, Paris, Office Universitaire de Recherches Socialistes (50 APO 9)

- Archives de Pierre-Louis Berthaud, Nanterre, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (F° delta rés 766)

- Archives départementales de la Gironde, Bordeaux (1 M 554) Dossier de parlementaire de Pierre-Louis Bertaud, Paris,

- Archives Nationales (C 16122) Dossier de résistant de Pierre-Louis Berthaud

- Service Historique de la Défense, Vincennes (16P53393)

- Archives du personnel du ministère de l’information de Vichy, Paris

- Archives Nationales (F41 7)

- Archives du Grand Orient de France, Paris]]>